Maël Bailly/ compositeur

Chères oreilles amies

J’ai plaisir à constater que cette première chronique porte sur un mois qui a été musicalement heureux et besogneux, bigarré, avec quelques épisodes incongrus. Un mois comme j’aimerai qu’ils soient nombreux !

Sans doute notre petite affaire, et votre soutien, n’y sont pas étrangers.

Y a contribué également l’enregistrement, le 10 janvier, d’Au cas où le corps exulte, nouvellepartition qui emprunte son nom au court-métrage d’animation pour lequel elle à été conçue, qui est en ce moment en fabrique.

C’est presque ma première expérience de musique à l’image où le rapport entre les deux « parties », musique et image, se passe bien, bien que le réalisateur ne soit ni mort ni absent. États, qui, trivialement, peuvent avoir tendance à faciliter la collaboration.

Cela a tenu pour beaucoup à la personnalité de ce réalisateur, Florian Genthial, étudiant aux Ateliers de Sèvre et drôle d’oiseau. Le monde des arts visuels est bien moins prude que celui de la musique, pourtant, le choix de sujet qu’il a fait pour ce travail de fin d’étude donne, à ce que j’ai compris, quelques sueurs froides à son école, celle ci en étant aussi, à sa mesure, le producteur et le diffuseur. Et pour cause : il a choisi d’explorer le monde de la pornographie, les violences qui s’y déroulent, les amitiés qui s’y nouent, la fascination-répulsion que ce milieu, et ses productions, peuvent inspirer.

Il fait preuve, dans ses choix artistiques, de la même finesse et de la même intensité que sa personnalité dégage, et sans lesquelles son film pourrait devenir bien maladroit. Le choix du point de vue : celui du cadreur, celui, esthétique, du noir et blanc, et, bien sûr, le choix de l’univers musical, qui me concerne au premier chef.

Sa proposition initiale et ses références étaient assez riches : «  une valse de Strauss à la Philip Glass ». Il avait aussi apporté, lors de notre première rencontre, un disque de Joëlle Léandre, une contrebassiste, improvisatrice et compositrice pour laquelle j’ai une grande estime, pour avoir pu l’écouter souvent en concert et apprendre d’elle en masterclasse. Cette référence m’a surpris et ravi. En général, la difficulté à travailler ensemble, entre la musique est l’image, vient pour beaucoup d’une ignorance solide et mutuelle de nos cultures respectives. La situation ici était donc ici, grâce à Florian, bien différente. Détails amusants, il pensait que Joëlle Léandre était plutôt dans ses âges (la petite vingtaine), alors qu’elle roule sa bosse depuis suffisamment longtemps pour avoir joué avec l’Ensemble Intercontemporain à ses tout débuts, partagé la scène avec des jazzmans comme le tromboniste Georges Lewis, et inspiré des pièces à des “vieux de la vieille”, comme John Cage ou Besty Jolas. Plus classique : Il pensait que le Strauss des valses ne faisait qu’un avec celui du Zarathoustra.

L’effet comique, difficilement évitable, de boucles à la Glass à partir d’une valse de Strauss Ier, sur une scène d’amour collectif, ne lui était pas apparu, et ne faisait pas partit du script. Il souhaitait certes un décalage, mais celui que la noblesse, la félicité, le raffinement, peut avoir avec cette industrie. Je lui ai donc proposé une alternative, qui avait aussi comme avantage d’être bien dans mes cordes : un filtrage Pessonnien à la Nebenstuck sur le mouvement lent du quintette en do majeur de Schubert, un de mes idéals musicaux vénéré. L’écoute de ces deux modèles l’a convaincu, nous sommes donc partis là-dessus.

Composer avec des références si fortes et si choisies, c’est comme nager avec des palmes : si on est pas vraiment dans son élément, on s’y sent tout comme, c’est rapide, agréable, grisant. On décalque une toile de maitre avec une belle boîte de crayons de couleur empruntée à un bon camarade.

Le choix des « crayons », des instruments, est d’ailleurs le plus signifiant. Le nôtre fut : flûte, clarinette, saxophone baryton, marinba, piano, soprano, mes chères ondes Martenot, guitare électrique, quatuor à corde, contrebasse. L’idée générale était de faire un Schubert « sans les os », aux contours floutés pour la première partie, puis “sans la chair”, en ne laissant que les arrêtes et la sauce, pour la partie sans mélodie. 

Une image de Au cas où le corps exulte, de Florian Genthial 

L’enregistrement s’est passé absolument idéalement. Les musiciens, tous des amis (et pour la plupart des camarades de La Crécelle) d’un grand talent et d’un grand professionnalisme, un camarade de longue date à la prise de son, assisté de mon petit frère Basile, efficace comme un pro. On a pu enregistrer sans répétition et finir avant l’heure. Florian, présent lui aussi, était ravi et très impressionné des moyens matériels et humains extraordinaires que le conservatoire permet de rassembler – je l’étais aussi, malgré mon état de vielle plante de la maison. J’ai hâte de vous faire écouter cela, quand nous auront fini le montage et le mixage. (Je ne peux dire quand, en ces temps ou nous ne pouvons faire que des captations et des enregistrements, nos amis ingénieurs-son sont bien sollicités…)

Florian est donc une rencontre intéressante, humainement et artistiquement. C’est un tempérament intense et concentré, très « habité » . Il n’hésite pas à se frotter à des sujets épineux, qu’il aborde en pesant soigneusement les choses, avec doutes, mais sans retenue.

Il a pour son film effectué une recherche sérieuse, presque sociologique, qui l’a amené à interviewer des acteurs et des actrices pornos, les premiers ayant parfois plusieurs dizaines d’années de carrière au compteur. D’ailleurs, si cette industrie se targue d’être la seule à mieux rémunérer les femmes que les hommes, c’est à nuancer grandement, car d’après les témoignages, si les carrières masculines peuvent durer plus de 30 ans, celles des femmes vont généralement de deux mois à deux ans. Ces témoignages s’accordent sur le fait qu’au cours des dernières décennies, les relations humaines s’y sont considérablement dégradées, et que l’exploitation des femmes y est brutale. Florian a même poussé l’enquête jusqu’à se faire inviter en tant qu’observateur, sur un tournage.

Mes propres recherches sur le sujet, moins aventureuses, et qui avaient surtout pour objet de chercher une explication à ma propre curiosité (pour ne pas dire mon enthousiasme) à travailler sur son sujet, m’ont fait tombé sur un texte de Laura Kipnis,une intellectuelle féministe (mouvement qui, sur cette question comme sur bien d’autres, est traversé d’intenses débats et de bouillonnants désaccords ). Ce texte, Comment se saisir de la pornographie, m’a interpellé. En voici un extrait :

La pornographie nous prend aux tripes. Toutes les réactions que l’on peut avoir, du dégoût à l’excitation en passant par l’indignation et le titillement, ne sont que des variantes du même corps-à-corps intense, viscéral, avec ce que la pornographie a à dire. Et il se trouve que la pornographie à beaucoup à dire. Il faut s’y intéresser car elle n’a de cesse de parler de nous, des racines de notre culture et des recoins les plus obscurs de notre subjectivité. Il ne s’agit pas que de friction et de corps dénudés : la pornographie a de l’éloquence. Elle a du sens, elle porte des idées. Elle porte même des idées rédemptrices. Mais alors d’où vient notre gêne ? Peut-être faudra-t’il, pour trouver la réponse à cette question, creuser sous le stéréotype angoissant de l’adolescent boutonneux, de l’exhibitionniste en imperméable, et du masturbateur compulsif et asocial. Sous ces représentations empreintes de mépris, qui font des consommateurs des marginaux et des solitaires, affleure en effet la reconnaissance du fait que la pornographie n’est pas seulement l’objet d’un penchant individuel mais aussi et surtout un élément central de notre culture. Je ne fais pas seulement référence à ses scores d’audiences et à son chiffre d’affaires. J’entends par la que la pornographie est révélatrice. Elle ne révèle pas que des corps nus, transpirant, les uns contre les autres. Elle expose la culture à elle-même.

Laura Kipnis, « Comment se saisir de la pornographie ? » in Florian Vörös (dir.), Cultures pornographiques. Anthologie des porn studies, Paris, Éditions Amsterdam

Plus loin dans le texte, Laura Kipnis constate que, dans les hiérarchies sociales convenues du monde la culture, il y a un plancher et un plafond : le porno et… L’opéra ! Cette idée est creusée dans son texte (elle interroge l’idée répandue que ce genre, en se démocratisant, aurait perdu sa valeur transgressive et artistique). Cela m’a encouragée [a posteriori], dans le choix de la voix lyrique (celle de mon amie et camarade Marie Soubestre) pour faire discuter le plancher (ou plutôt le croquis du plancher) avec le plafond. Cela m’a donné aussi un indice de ce que mon goût pour ce travail venait sans doute beaucoup d’un plaisir un peu badin : enregistrer, avec mes amis musiciens classiques, l’ersatz raffiné d’une musique considéré à juste titre comme un achèvement du sublime, pour faire la bande-son d’un film-sur-un-film pornographique. Tout cela au conservatoire, sans doute une des dernières institutions culturelles où ce genre conserve peut-être encore quelques grammes de son caractère transgressif d’antan.

Mais cette partition ayant été bouclée avant 2021, elle n’a pas concerné le travail à la table de ces dernières semaines.

Celui-ci s’est concentré d’abord sur une pièce pour trois musiciens de l’ensemble TM + et une classe du collège Évariste Gallois à Nanterre. Il s’agit de l’exercice, délicat et passionnant, d’inventer une musique qui puisse réunir des musiciens archi-débutants et des musiciens archi-chevronnés. Les premiers ne lisent pas, ne jouent d’aucun instrument et ne sont sans doute jamais montés sur scène, les seconds peuvent déchiffrer du Sciarrino au petit-déjeuner. À la charge du compositeur de trouver des idées musicales pour que les uns, les autres, et leurs auditeurs, s’y retrouvent. Travail qui demande une technicité particulière beaucoup de ruse. La technicité relève d’une conscience bien aiguisée de la difficulté musicale qu’implique telle ou telle idée. Cette conscience, dont on use pour chaque musique instrumentale, est particulièrement essentielle ici. Les possibilités musicales humaines forment comme un pays aux frontières souples, au sein desquelles on doit viser quand on est des compositeurs qui ont encore besoin d’êtres humains pour interpréter leur musique. Plus les instrumentistes sont exercés, plus le pays est grand et plus il est facile à viser. Mais pour les débutants, le pays est tout petit, et atterrir dedans est délicat. La ruse, elle, est nécessaire pour que les parties des débutants soit aussi intéressantes que celle des pros, avec des moyens sans commune mesure : instruments à plusieurs milliers d’euros versus instruments jouets ou de récupération, lecture versus mémorisation, virtuosité instrumentale versus tâtonnements débutants… La nécessité impérieuse étant de faire de ces débutants autre chose que des potiches sonores.

Bien sûr, il est indispensable de nouer des liens avec eux, tout au long de la conception, ce qui permet, d’abord, de les convaincre de l’intérêt de l’entreprise, et aussi d’éprouver un peu leur « pays ».

Ainsi je me suis rendu dans ce collège Nanterrien, et mon accueil y fut pimenté. Je me présentais, comme de bien entendu, au mauvais portail, celui des élèves, et les explications par interphone interposé sur l’emplacement du bon portail me laissaient penaud. Un élève, constatant mon embarras, me propose gentiment de m’accompagner à mon dit portail, qui n’est pas celui d’a côté. Je lui demande sur le chemin en quelle classe il est. Il me répond qu’il est en troisième, et ajoute directement, sur la défensive : « Oui je sais, je suis petit ». Je lui fais remarquer que je ne suis pas une grande perche non plus. Nous continuons ainsi notre discussion (rapportée de mémoire) :

– Je vais faire de la musique avec les cinquièmes, ils sont gentils ?

– Ah monsieur les cinquièmes ce sont des oufs, mon petit frère il est en cinquième il s’est fait virer, vous allez vous prendre des crayons dans le dos.

– Ah bon ?!! Mais qu’est-ce qu’il faut faire pour ne pas se prendre des crayons dans le dos ?

– Il faut virer direct !

– Ah mais je peux pas virer moi je suis juste intervenant.

– Mais je vous jure c’est des fous ici, ya eu des jets de bombes d’acides et ils ont mis le feu !

– Quoi ? ! C’est pas vrai, tu me fait marcher.

– Ah mais je vous JURE ! Ya qua regarder dans Le Parisien les articles !

Je me demandais, bien sûr, malgré les accents de sincérité de Tony, s’il ne me baratinait pas un peu. Quand je racontais l’échange à l’équipe pédagogique, j’eus comme réponse des soupirs las, résigné et amusé : “Ah Tony… Et il fallait que ce soit sur lui que vous tombiez… » Mais pas de démenti. Et en effet, l’article du Parisien existe bien. Il date de 2019, Tony devait être en 6e ou en 5e. On imagine très bien, pour un adolescent comme lui, le mélange de gloriole et d’effarement qu’on ressent à voir son collège avoir les honneurs de la presse parisienne pour une telle raison…

  La photo du journal Le Parisien, de 2019

Pourtant, la classe de 5ème dans laquelle j’interviens est particulièrement sympathique : volontaire, spontanée, curieuse, drôle, même respectueuse.

Je dois rendre la partition, Sizaille, pour six sixième à sifflets, harpe, contrebasses et soprano, dans quelques jours. J’ai pris pour livret quelques extraits du “Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale », un beau cadeau offert à l’occasion d’un travail de copiste, et qui donne à cette petite fantaisie un côté dada. Trois groupes de six collégiens se succèdent avec une espèce de farandole rythmique scandée : un son qui circule au gré d’une pulsation parmi les jeunes collégiens alignés, dans un chemin tantôt linéaire, tantôt zigzagant. Chaque groupe se succède avec le même chemin – que l’on peut retenir grâce à une série de chiffre qui se reporte à la place de chacun dans la farandole – Mais avec des sons différents : sifflets dépareillés, papiers de verre aux grammages variés, métallophones divers. Le trio orchestre cela comme il le peut.

 un morceau de Sizaille

Cette pièce devrait faire la première partie que le concert Icare Sampati, un oratorio, création du compositeur Alexandros Markeas. La création, qui devait avoir lieu en mars, sera, sans doute, reportée.

Un autre travail, que je commence tout juste, est une musique de scène pour le spectacle qu’une toute jeune saxhorniste, metteur en scène et scénographe, Lili Gaumond – elle a tout juste 21 ans – ambitionne de monter. Lili est impressionnante de volonté et de détermination. Ouvreuse dans différents théâtres, elle assiste souvent à des spectacles qui déploient de grands moyens et qu’elle trouve médiocre. Comme elle est persuadée de pouvoir faire bien mieux, elle ne doute pas qu’il serait absolument scandaleux qu’elle ne puisse pas prétendre à ces mêmes moyens. Ce qui n’est au fond pas faux, mais également fort probable.

La formation qu’elle propose est originale : saxhorn, basson, clarinette basse, saxophone baryton, cor anglais, accordéon, soprano. Sorte de fanfare triste et lyrique, ensemble qui pourrait servir à un vaudeville lentissimo. Un danseur s’ajoute à la troupe.

Je travaille à partir d’une sorte de livret chorégraphique et scénographique, car les musiciens doivent, en plus de jouer, faire toutes sortes d’acrobaties : se regarder la plante des pieds, chausser des chaussons-tampons imbibés de peinture, patauger dans de l’argile humide… Tout cela étant souvent assez utopique et poétique, et musicalement aussi embarrassant qu’inspirant. J’ai bien des doutes sur le fait que nous arrivions un jour à monter, produire et vendre un tel spectacle, mais j’essaye de me rassurer avec le vieux proverbe qui promet que c’est ceux qui ne savent pas que c’est impossible peuvent y arriver, case que Lili coche. Il faut juste qu’elle parvienne à ce que notre petite troupe ne s’évapore pas, ce qui, sans moyens et des perspectives de diffusions bien chimériques, n’est pas évident.

Une page du carnet de Lili Gaumont

Dans mes activités extra-compositionnelles, une grande nouveauté de ce mois de janvier est le remplacement que j’effectue au conservatoire de Bobigny, comme professeur de formation musicale, jusqu’au mois de mai. Cela se passe plutôt bien pour l’instant, et il est d’ailleurs assez logique, quand on écrit de la musique, de mettre la main à la patte pour ce qui est de l’apprentissage, long et complexe, de sa lecture. En une douzaine d’heures, passe dans ma classe toutes les étapes de ce dur parcours : des adultes qui ont déjà une activité musicale préprofessionnelle, aux tout jeunes enfants de 5 ans (!), à qui je dois faire ce qu’on appelle l’éveil. Ce sont ces derniers, bien sûr, qui me posent le plus de difficultés. Leur premier cours fut une joyeuse catastrophe. Désormais, cela se passe un peu mieux, je m’accroche à une petite histoire musicale, dont le personnage principal est un dragon nommé Berlioz, et notre grande ambition de lui voler ses œufs. Nous escaladons sa grande montagne à laide des contrebasses du début d’Harold en Italie, arrivons essoufflés sur le chemin qui mène à l’immense porte de son château, que nous franchissons au son de la triple/blanche des cors. Nous arrivons ensuite dans sa chambre, ou ses ronflements sont une chanson qu’il nous faut apprendre pour le flatter. Puis Stravinsky, le moustique, vient troubler son sommeil, et Berlioz, que nous mimons désormais, doit parvenir à l’écraser en même temps que les coups de fouets de la Danse Infernale de touts les sujets du roi Katcheï. La semaine prochaine, Berlioz va recevoir ses amis Dragons pour une grande fête et tous vont danser sur Street Art, de Régis Campo. Il nous faudra inventer une danse de dragon. 

Contrafactum initiatique

Mes collègues sont amusants et accueillants, et il y a chaque mercredi midi une sorte grand conseil pédagogique improvisé, ou les difficultés et les personnalités des élèves sont âprement débattues. Je m’entends bien avec ma collègue professeure d’alto, qui se trouve être aussi la nièce du grand compositeur spectral (et honorable ondiste) Tristan Murail !

Le mois s’est achevé sur un pompon : le prix radio-france/SACEM, décerné à titre collectif à notre classe de composition de musique à l’image. Nous avons tous gagné une tablette de chocolat Radio France, un sac Radio France, un masque Radio France et surtout, une commande Radio France : composer trois minutes de musique pour orchestre à partir d’un thème de Michel Legrand. Si je suis sensible à l’attention (et content d’avoir une commande et du chocolat) je constate quand même un mélange de sentiment…

Mon premier fut celui d’une inavouable, grincheuse et ingrate amertume, qu’il faut, pour l’exorciser, allonger sur un divan. Allons-y donc. 

Je suis un peu agacé de cette manie des prix et des concours, qui, ils me semblent n’ont pas grand sens. Tout cela me semble bien poussiéreux, et créé des distinctions inutiles, des gratitudes artificielles et un badigeonnage de prestige un brin ridicule. Ce monde de la création musicale a besoin de spontanéité, d’authenticité et de simplicité dans les relations entre ses habitants, et toutes ces gentilles breloques n’y aident pas. Cela reste à vérifier, mais j’ai l’impression que si on discutait entre nominés possibles, du sujet, on tomberait assez d’accord là-dessus.

Je me souviens aussi du mouvement, inédit, enthousiasmant et fédérateur qui, en 2019, avait réuni aux portes de cette radio quelques centaines de compositeurs, d’improvisateurs, d’interprètes et d’auditeurs qui s’opposaient à la suppression de six émissions dédiées à la création musicale. On n’entendait çà et là, dans les discours de la direction en réponse à notre mobilisation, qu’on allait désormais mettre d’avantage à l’honneur la musique de film. Je me souviens avoir pensé bien du mal de ce piteux et usé procédé qui consiste à jouer sur une division, bien désuète, du monde de la création musicale, pour se tirer d’une panade sociale.

Et je ne peux m’empêcher de soupçonner, dans l’intitulé de cette commande, un lointain arrière-goût de cette eau-là. On peut, sans mépriser ce musicien, douter qu’il constitue une inspiration très excitante pour de jeunes compositeurs, même spécialisés dans l’image. Il s’agit peut-être d’avantage, dans cette sorte d’hommage arrangé, de ce dont Michel Legrand est devenu le symbole : le trajet de l’érudition académique vers une musique populaire lucrative, l’antiboulezisme d’un certain grain, la réussite sociale. Tout ce que semblent nous souhaiter France Musique et la SACEM ? 

Mon deuxième élan, plus nuancé et plus raisonnable, constate qu’en fait, paradoxalement, cet intitulé me met musicalement en appétit. Damned, comment donc est-ce possible !? 

C’est que la musique de Michel Legrand m’est si éloignée qu’il est sans doute facile d’en faire une sorte d’ovni musical incongru, déclenchant dans l’orchestre de curieuses étincelles. Le symbole qu’elle porte, est en fait assez riche et parlant, et concerne un aspect des relations complexe entre notre musique son époque. Et puis le vintage sied bien au postmoderniste égaré. Et surtout, une si belle occasion de surprendre un commanditaire ne se présente pas si souvent à un commandité ! 

Je finis cette première chronique, comme promis, par une écoute qui m’a marqué dans le mois : 

A fleur de peau, de Guilia Lorusso, pour guitare électrique seule. On y entend toute la fébrilité et la douceur dont peut faire preuve la guitare électrique, instrument qui semble connaître ces derniers temps un regain d’intérêt. Je trouve cette pièce fine, sensible, réussie. J’aime la lisibilité du titre, la beauté et la singularité du premier son, la fluidité des idées. 

Chères oreilles amies, 

Trouver une viabilité économique dans un chemin artistique est un très vieux problème, qui n’a pas eu la délicatesse de m’épargner. 

Nos aïeux courraient les cours princières et proposaient, en échange du gîte, du couvert et des émoluments, d’en colorer la vie sociale et de témoigner par leurs productions du prestige de leurs écussons. 

Quand celles-ci furent mises en déroute, leurs continuateurs durent suivre le cours des choses et faire de leurs œuvres des marchandises, et firent ainsi bonne entente avec une nouvelle curiosité sociale : les collectionneurs.

Nos frères et nos soeurs du spectacle vivant ont, par leurs luttes collectives, réussi à s’intégrer au système du salariat, grâce notamment au régime des intermittents. 

Nous autres compositeurs avons bien du mal à produire des marchandise ou à prétendre à la fiche de paye. L’état à un temps essayé de prendre la relève du prince déchu, mais on ne peut que constater qu’il s’en lasse à mesure que le temps passe. 

Le champ de la composition musicale peine donc à trouver une place qui permette aux compositeurs de mon acabit de s’y adonner sans avoir comme caillou dans la chaussure l’imminence de la banqueroute. 

Or, nos cousins Youtubeurs utilisent un système bien intéressant : le système des « tips ».  Avec les « tips », vous pouvez soutenir un créateur en versant une petite somme par mois, à partir d’ un euro. C’est une sorte de mécénat pour tous. Un patronage démocratique ! 

Vous me voyez venir. Je vous propose d’être mes « tipeurs », mes « mécènes démocratiques». Si vous acceptez, vous m’aiderez à avoir un petit revenu mensuel, qui fera contrepoint au caractère sporadique et incertain des commandes.

En contrepartie, je ne pourrais certes pas vivifier l’éclat de votre Majesté ou diversifier votre collection privée, mais je vous propose de vous faire parvenir, une fois par mois, la chronique de mes travaux de compositeur. Je partagerai avec vous les joies et les doutes, les saveurs et les piments du métier, dans un récit que j’essaierai de rendre le plus coloré possible. J’y partagerai aussi mes écoutes, sous formes de liens vers les pièces de mes camarades compositeurs et compositrices qui m’auront marqué ou interpellé, en essayant d’expliquer pourquoi et comment. 

Je ne sais si une telle proposition est congrue. Mais j’ai bien envie d’essayer, car je pressens que mon travail pourrait gagner en liberté et en indépendance en vous étant redevable, à vous plutôt qu’au monde de l’administration des arts, monde que j’ai bien du mal à comprendre. Bien évidemment, cette proposition, tâtonnante et expérimentale dans le domaine qui nous occupe, n’aurait aucun chagrin à faire chou blanc : sentez-vous bien à l’aise pour l’ignorer ou la décliner. 

Cette activité, d’inventer de la musique et de l’écrire, est bien vielle, elle a pris bien des formes et connu biens des sociétés. Elle a pour constance de coûter plus quelle ne rapporte et de trouver malgré cela les moyens de se débrouiller. 

Vous pouvez donc, si vous le souhaitez, devenir mes tipeurs en cliquant sur ce lien, et vous laisser guider ! 

https://fr.tipeee.com/mael-bailly-composition

Je vous salue toutes et tous chaleureusement et espère que vous allez bien. 

Chers élèves de FM4 et 6, voici un premiers cours de formation musicale radiophonique. Prévoyez une ou deux heures pour le suivre, et munissez vous de papier à musique et d’un téléphone ou d’un dictaphone.

Voici un lien vers la partition : https://ks4.imslp.info/files/imglnks/usimg/c/c4/IMSLP12081-Berlioz_-_Harold_in_Italy.pdf.pdf

Ci-dessous le cours. Bon écoute et bon travail !

podcast confiné – pédagogie de crise – pour les CM1 de l’école Lili Boulanger

Bonjour les élèves de CM1/CM2 de l’école Lili Boulanger ! C’est Maël. Cinquième épisode pour Liliboulangiens confinés. On change de siècle, de musique, de pays, de continent ! Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous l’écoute d’un compositeur dont vous vous souvenez peut-être : Steve Reich ! Et en particulier une de ses premières pièces : Piano Phase. 

podcast confiné – pédagogie de crise – pour les CM1 de l’école Lili Boulanger

Bonjour les élèves de CM1/CM2 de l’école Lili Boulanger ! C’est Maël. Quatrième épisode pour Liliboulangiens confinés, dernier avant les vacances. Après avoir tué le Commandeur, Don Giovanni continue sa route comme si de rien était, mais il va avoir un contretemps inattendu…

Regardez jusqu’a 33’20

Prenez soins de vous ! Bonnes vacances malgré le confinement…

podcast confiné – pédagogie de crise – pour les CM1-CM2 de l’école Lili Boulanger

Bonjour les élèves de CM1/CM2 de l’école Lili Boulanger ! On continue Don Giovanni de Mozart. Aujourd’huit, troisième épisode, Donna Anna et Don Ottavio découvre le corps sans vie du Commandeur et jurent de se venger de Don Giovanni !

Regardez jusqu’a 19’25.

J’espère que vous allez bien ! Prenez soins de vous ! A bientôt l’épisode 4, nous verrons le catalogue de Leporello…

podcast confiné – pédagogie de crise – pour les CM1-CM2 de l’école Lili Boulanger

Bonjour les élèves de CM1/CM2 de l’école Lili Boulanger ! C’est Maël. J’espère que vous allez bien malgré l’épidémie ! On continue notre cycle sur l’opéra Don Giovanni de Mozart et la Révolution française de 1789. Pour ce deuxième épisode, voici la scène terrible de la mort du Commandeur… Bonne écoute !

Regardez jusqu’a 12’20 !

Prenez soin de vous ! A bientôt l’épisode 3 ! Nous verront la colère de Zerlina…

podcast confiné – pédagogie de crise – pour les CM1-CM2 de l’école Lili Boulanger

Bonjour les élèves de CM1/CM2 de l’école Lili Boulanger ! C’est Maël. A cause du virus, on ne peut plus se voir, alors je vous fais cours par radio ! On continue notre cycle sur la musique et les grands bouleversements historiques avec aujourd’hui la Révolution Française de 1789 et Don Giovanni de Mozart!

Premier épisode : l’ouverture !

Pour regarder une mise en scène moderne de l’opéra ! :

Prenez soin de vous ! A bientôt l’épisode 2 !